Message reçu le 9/06/2003


Message de Thierry, rencontré aux Espiguettes, puis au Rainbow d'Italie où il faisait la cuisine et le service... (Long, bien que mis en clip par nos soins...Mais à lire)


De :
"Thierry SALLANTIN" 'Objet :
pour nous sortir de l'impasse où nous mène la mondialisation des fausses valeurs marchandes véhiculées par les européens et leurs rejetons de cet extrème occident appelé U.S.A.. Hélas quand on voyage dans le tiers monde,




(ne jamais utiliser le jargon des mondialisateurs : "pays en voie de développement", car il faut au plus vite qu'ils soient en voie d'autre chose, en voie de reprendre leur liberté d'inventer un avenir libre, non dicté à l'avance par les soit disant "économistes" occidentaux !, lesquels décrivent à l'avance ce que DOIVENT --c'est un ordre ! -- devenir tous les peuples de la terre. En fait, le "développement" n'est que le nouveau mot -langue- de- bois pour dire continuation de la colonisation ! = ainsi en avait décidé le président Truman, dans son discours de janvier 1949= source: "Le développement : histoire d'une croyance occidentale " de Gilbert RIST, aux Presses de Sciences PO, et tous les livres de Serge Latouche...)




on voit partout de la Chine au Chili des personnes tellement ethnocidées qu'elles ne rêvent que d'imiter cette modernité pourtant folle qui va faire exploser cette fragile planète . Ton assoc. INDOSANA (étoile en langue des kogi de Colombie) mérite le soutien : indosana@aol.com = 06 87 16 28 75 et 01 41 19 99 30 ou 01 53 41 18 59, 9 rue Durantin 75018 Paris. Nous , à "Solidarité-Guyane", on essaie d'accélérer la prise de conscience des enfants des peuples autochtones amazoniens pour leur faire vivre en une seule génération, ce qui nous a pris 4 siècles en Europe : chez nous, il a fallu attendre de Descartes et Bacon aux premiers hippies des années 1960 pour comprendre que le rêve technolâtre de bonheur par le mépris de la nature est stupide... Alors on finance le voyage à des enfants amérindiens et on leur fait visiter la face cachée de l'occident : visites intensives des lieux où souffrent les hommes -esclaves, les ouvriers, les employés, ces lieux où on fabrique dans des conditions dantesques tous les "objets des blancs" : bruit, puanteur, pollution, travail imbécile à la chaîne, exploitation des immigrés ici, où là-bas via les délocalisations. Espoir qu'après, ils/elles/ ne serons plus fascinés par les "objets merveilleux des blancs", et horrifiés par le mode de vie crétinisant en ville, source du mal-être aussi profond qu'indéfinissable des occidentaux et de tous leurs récents et naïvement enthousiastes imitateurs : les occidentalisés et urbanisés du Tiers- Monde. Espoir que les jeunesses vont sortir brutalement du cauchemard éveillé où les maintiennent de force les drogueurs de foules que sont les publicitaires, et vont devenir des "hippies", des "objecteurs de croissance", des "j'en ai rien à foutre de paraître riche et moderne, je me moque du carriérisme, je me moque de l'ascension sociale, je me moque des habits à la mode, je trouve stupide la vie en ville, je ne regarde jamais la télé. Seul m'intéresse l'apprentissage de la vraie vie auprès des Anciens, la mise en pratique du mode de vie DURABLE/SOUTENABLE/SUSTENTABLE, c'est à dire compatible avec la renouvelabilité tranquille et naturelle des ressources de notre environnement traditionnel". Avec d'autres jeunes rebelles et renégats, nous aidons nos frères à fuire les villes et à redevenir fiers des valeurs millénaires de notre ethnie...Nous avons vu le monde des blancs, nous l'avons traversé vite, car nous avons vite compris qu'il menait à l'impasse, et nous l'avons vaincu, formule je crois de Jules César, style "veni-vidi-vici"... Un peu comme cette génération hippie qui a vu le monde le plus follement occidental, dans les méga villes des USA, qui a pris soudain conscience , et qui a fuit à la campagne pour vivre dans une joyeuse frugalité et le luxe de la vie communautaire conviviale et autarcique, une sorte de "retour aux tribus" comme l'a écrit le poête de la Beat Generation Gary Snyder. Ils existent toujours et leurs enfants transmettent cet héritage. Voir le film sur les Diggers, et cette info donnée hier soir à Mom'Artre --merci Caroline, ton exposé fut merveilleux, tu es une très efficace éveilleuse de conscience--: 23% des états-uniens se déconnectent des "valeurs" consuméristes et se lancent dans les modes de vie alternatifs, style
"An 01", à divers degrés de rupture plus ou moins radicale avec le système...




Morale de l'histoire, pour avoir l'énergie de fuire la prison de la modernité, en se donnant les moyens de ne plus en dépendre, donc de s'organiser entre joyeux lurons et gaies luronnes, en groupe, pour tout auto-produire




(on découvre vite qu'on a besoin de peu pour vivre heureux, et que l'essentiel est immatériel et se mesure en plaisir de vivre en croisant le regard lumineux et les sourires transpirants la sérénité épanouie de nos compagnons et compagnes d'aventure communautaire)




donc de ne plus rien acheter de tout ce qui se fabrique de façon polluante et inhumaine, en usine, geste politique bien plus efficace que les bulletins de vote, désertion ou sécession par pratique du boycot joyeux de tout , qui revient à une forme sulfureuse de sabotage qui à terme fera crever d'asphyxie toute la méga machine industrielle mondiale,




--ouf ! il était temps qu'elle s'arrête, on était à la veille de l'écocide planétaire {livre qui vient de paraître aux ed. Parangon, éditeur de la mutation culturelle en cours : la décolonisation de notre imaginaire englué encore dans l'économicisation du monde comme dit le sage persan Majid Rahnema, qui vient de publier un livre sur la contestation de la notion de richesse et la redécouverte de la beauté tranquille et écolo qu'est le choix, en toute connaissance de cause , de la pauvreté, qui est à l'exacte opposé de la misère, ou "déréliction" = ed. Fayard/Actes sud}




-- de plus forme d'action politique involontaire, instinctive, sensuelle, espiègle, rigolarde, fêtarde, qui n'a pas besoin d'organisation, de tête, de chef, seulement des milliers d'initiatives locales, brouillonnes, inorganisées, donc insaisissables, hors de portée de la flicaille d'Etat, mouvement de fond incompressible, souterrain, véritable contre-culture qui sape à la base toute l'occidentalité, cette hérésie venue de l'antique
Moyen-Orient anthropocentrique, monothéiste , anti-femmes et anti-nature...




..... morale de l'histoire, disais-je, donc, pour atteindre ce niveau de prise de conscience, il faut hélas souvent avoir vécu au coeur de la Bête, au risque de s'y brûler les ailes !!... Il faut par exemple être un enfant des Etats -Unis, témoin visuel de l'horreur de la vie moderne, c'est pourquoi , vite au parfum, (puant), les premiers hippies sont sortis de là, héritiers (sans le savoir ! )des communautés technophobes qui existaient déjà aux USA au XIXè. Maintenant, en Europe aussi, à leur tour, des jeunes voient l'horreur de l'american way of life se mettre en place sous leurs yeux et, choqués, décident de disjoncter. J'ai pu constater l'été 2002 au rassemblement des tribus d' europe, cette année là en Italie (Rainbow family) à quel point une bonne partie de la jeunesse des pays de l'est passent directement du stalinisme au mouvement hippie, en faisant l'économie du passage par l'abrutissement dans la société capitaliste de consommation... Génial raccourci de l'histoire, géniale rapidité de la prise de conscience, à peine entrevue, la clinquaille et la pacotille de la "société de consommation" révulse ! La fuite "rasta" hors de Babylone se répand comme une trainée de poudre, autant de personnes qui deviennent un manque terrible à gagner pour toutes ces entreprises qui ne cherchent que des clients pour les conneries qu'elles s'acharnent à vendre...Donc parfois, ça va vite, d'où l'espoir d'accélérer la prise de conscience d'enfants de tribus encore quasiment "sauvages" mais déjà en début d'ethnocide, c'est à dire en début de fascination face à la modernité (=perte d'estime de soi, piège des "lumières" de la ville), espoir de faire vite naître en eux le déclic salutaire de la prise de conscience : inutile de quitter la forêt : le mode de vie dit "moderne" est vraiment fou...Nous espérons déclencher ce sens critique en continuant à emmener des enfants d'Amazonie visiter l'intérieur du ventre glauque de la Bête...




Autre tactique : provoquer la stupéfaction des Amérindiens en leur donnant à voir le spectacle inimaginable pour eux de groupes d'européens/européennes qui ont renoncé en renégats hilares à la vie moderne et qui vivent non loin de chez eux, dans d'autres territoires de chasse/pêche/cueillette/et jardinage modeste et semi nomade , tels des "sauvages"... Confrontation mutuellement bénéfique de deux mondes : ceux qui étaient à la veille de renier leur culture millénaire et qui se préparaient à aller vers la ville face à ceux qui vivaient au coeur de la modernité et qui ont décidé de la fuire radicalement pour esquisser et expérimenter déjà un de ces modes de vie "durable" qui refleuriront sur Terre après l'écroulement du monde industriel et affairiste . Un écroulement qui se déroulera hélas dans des conditions dramatiques pour tous ceux et celles qui seront alors restés complètement dépendant de la vie urbaine. En plus, les riches, à la veille de crever, ne se laisseront pas faire, et dans le baroud d'honneur propre à la folie macho, multiplieront d'horribles guerres pour tenter de jouir de leurs privilèges matérialistes jusqu'à la dernière goutte. On vient d'en voir un échantillon avec cette guerre en Irak déclenchée par les fondamentalistes chrétiens d' Extrème Occident, cette colonie où ils sont (encore !) installés en Amérique du nord, sur les terres amérindiennes volées au nom de leur dieu "Progrès" et de la déesse "Civilisation" ! ! . J'espère que bien avant ces temps douloureux, nombre d'entre nous auront pris la précaution de s'éloigner et de rejoindre ces derniers lieux de la planète où la vie libre est encore possible : avec l'assoc."Bonheur et vie Sauvage" on en prépare au fin fond de la Guyane française, loin des zones à mines d'or, loin de la pollution au mercure, et mon ami Bruno fait de même en Bolivie, en ce lieu que commence à visiter Lilou, et où la troupe de théatre d'Eglantine va aller cet été... Merci à "Indosana" d'être la bonne étoile qui nous met toutes en contact les unes les autres : pourquoi ne pas inventer une nouvelle règle de grammaire française où le féminin l'emporterait sur le masculin, rendant inutile de parler qu'au masculin en sous entendant que ça contient aussi le féminin : et pourquoi pas l'inverse...





Merci à ceux et celles d'Indosana de transmettre à Caroline et à tous ceux et celles de hier soir à Mom'Artre, et de me transmettre leurs mails. En plus des livres de Latouche, Rist, Rahnema, pour décoloniser notre imaginaire et nous défasciner de notre orgueil congénital d'occidentaux, il faut lire (ed. Fayard, mai 2003) du philosophe Alain Gras : <<Sortir de l'emprise technologique >> où il explique comment l'idée occidentale de "progrès" repose sur rien et nous a intoxiqué..