Traduction de certains passages du livre de Michael Niman
"People of the Rainbow, a nomatic Utopia "
(University of Tennesse Press 1997)


« People of the Rainbow »
(Les gens du Rainbow)

Une utopie nomade



Qui sont-ils ?
Il faut toutes sortes de gens pour créer un « arc-en-ciel ». Les membres se voient eux-mêmes comme formant « une tapisserie de l’humanité qui passe au travers des limites de classe, de race de religion, de groupe ethnique et de sexe. »
Ils voient la famille comme « un modèle réussi de multiculturalisme ; une société où l’on célèbre les différences et où l’unité est atteinte. »
La définition d’un membre de la Famille Rainbow est large. En principe, « tout le monde est Arc-en-ciel ; mais certains ne le savent pas encore. » Les Rainbows considèrent tous ceux qui viennent aux Rassemblements, qu’ils soient là pour une heure ou pour un an, comme des Rainbows. C’est pourquoi ils voient les reporters qui viennent observer les Rassemblements comme des Rainbows, et les traitent comme des frères et sœurs. Ils réservent le même accueil aux gens de la région qui s’arrêtent l’espace d’un après-midi pour satisfaire leur curiosité (…) [Ceux-ci] ont juste besoin d’un peu plus d’Amour et de Soins que la plupart des Rainbows. (…). Le refus de la Famille de se limiter aux membres qui appartiennent déjà au groupe, la distingue des autres groupes qui ont proposé des styles de vie alternatifs. En effet, la plupart des groupes utopiques qui se sont développés au cours de l’histoire, diffèrent de la Famille Rainbow en ce qu’ils apportent des restrictions quant à l’admission de nouveaux membres. (…) L’adhésion à l’Arc-en-ciel est ouverte non seulement à ceux dont la Famille recherche les aptitudes ou les ressources, mais aussi à ceux qui ont besoin de la Famille : elle ne demande aux nouveaux membres que « d’apporter leur nombril ». (…) Bien qu’ils soient souvent sur les routes, les « Bus people » se considèrent rarement comme des vagabonds ou des clochards. Ils préfèrent qu’on les appelle « Gitans », une appellation partagée par la plupart des voyageurs Rainbow. (…) Ils sont généralement doués pour trouver des ressources et les gérer, et sont souvent issus de la classe moyenne. Crow qui a vécu sur la route dans des bus de 1986 à 1992 explique ce mode de vie : « C’est la vie Rainbow, mais c’est seulement l’une des manière dont un Rainbow peut vivre. Certains peuvent vivre dans leur sac à dos ou leur tente ou leur voiture (…). Mais ça convient bien à la vie Rainbow, on peut sauter dans sa maison et aller où l’on veut. (…) J. Schwartzbaum qui vient aux rassemblements depuis 1980 dit : « Ici il y a des milliers de gens. Il peut y avoir vingt à cinquante violeurs potentiels, ou des voleurs. Pourtant tout le monde se tient bien. Des gens étranges se promènent dans le noir, ils n’ont pas peur. Cela seul prouve que les gens veulent vivre comme des humains. » (…) G. Thomas, « L’homme à bulles » exprime sa « bulléosophie » : « Les gens sont comme des bulles. Nous sommes tous de taille différente, comme les bulles, de forme différente, comme les bulles, de couleur différente, comme les bulles, et certains d’entre nous durent plus longtemps que d’autres, comme les bulles, mais nous venons tous de la même source. Les bulles viennent de la Joie, et nous venons de l’Amour. Et si on ne réalise pas qu’on est issu de l’Amour, on tombe amoureux. Quand on le réalise, on s’élève dans l’Amour, comme une bulle. Après, nous aurons plus de bulles, moins d’ennuis et nous pourrons laisser notre enfant sortir et jouer davantage. » (…) Rémi, percussionniste dit : « Je viens ici pour prier avec mon instrument et m’unir à mes frères et sœurs (…) Peut-être que les percussions ne les appelleront pas au Rassemblement mais peut-être qu’elles les appelleront à trouver leur vocation. Peut-être comme artiste, comme grand peintre. Peut-être comme un musicien. Peut-être comme un sculpteur. Ainsi nos rythmes sont conçus pour appeler les âmes qui ont été dévoyées par les faux prêcheurs. » (…)

Sexisme, racisme et homophobie
Les Rainbows ont un idéal égalitaire, mais pendant des années les hommes ont dominé les réunions Rainbow. (…) Finalement une femme a signalé qu’il était temps pour « l’énergie féminine » (…) Et ce n’est que maintenant, alors que la Famille existe depuis plus de vingt ans, que les voix des femmes sont également respectées. L’émergence d’un mouvement Rainbow régional et de Rassemblements régionaux, dans lesquels les femmes jouent un rôle majeur, sert de moteur à cette nouvelle égalité des sexes. Les Rassemblements Nord Américains proposent maintenant un « espace pour les Sœurs » réservé exclusivement aux femmes. « Le cercle des Sœurs », un conseil de femmes au quotidien, sert à la fois de groupe de soutien et de forum pour débattre sur le sexisme dans la Famille. Le « cercle des Frères et des Sœurs » sert de forum pour qu’hommes et femmes traitent du problème des relations entre les sexes ensemble. (…)
Le discours sexiste de certains hommes diminue pour deux raisons : d’abord un niveau de conscience plus élevé parmi les hommes, ensuite le plus grand pouvoir des femmes. (…) Les attitudes et les activités misogynes se poursuivent pourtant au camp de l’Alcool. (...) Cependant les femmes Rainbows reconnaissent souvent qu’on trouve aux Rassemblements une atmosphère moins sexiste qu’à Babylone. (…)
Les Owenistes (Communauté fondée par R. Owen), dans leur volonté d’accepter n’importe qui, comme membre, étaient similaires à la Famille Rainbow. C’est pourquoi on comprend que les Owenistes comme les Rainbows aient fait l’expérience du sexisme du monde extérieur dans leur utopie. (...) Les Rainbows célèbrent ou rejettent l’homosexualité selon le quartier du Rassemblement que l’on visite. Les attaques verbales ou autres des homosexuels ne sont en principe pas acceptables dans les Rassemblements Rainbow , bien que, comme l’ébriété et l’abus de drogue, elles fassent occasionnellement surface. (…)
Un mythe du new-age populaire, celui des « Guerriers de l’Arc-en-ciel » suggère que leur mission est de synthétiser pour la postérité, l’héritage culturel des différentes races : l’intellect et la volonté des peuples à la peau claire, l’intuition et la conscience spirituelle si hautement développées des peuples à la peau rouge, et les dons des peuples à la peau noire et jaune. »
La famille Rainbow, malgré la faiblesse de ses efforts pour l’intégration raciale, offre tout de même une bouffée d’air frais par rapport aux autres groupes new-age.

Une utopie nomade
Les Rainbows voient leur diversité comme une force. (…)
La sociologue R. Moss Kanter a observé qu’un « manque général de sélectivité dans le recrutement » était commun à nombre de communautés non durables qu’elle a étudiées. « Ils ont tendance à accepter des individus de toute obédience idéologique et à recruter par des moyens personnels, comme la publicité, plutôt que par un contact personnel. » Les groupes qui réussissent ont, dit-elle, une base religieuse, sociale ou ethnique commune (...) . Par contraste, la Famille Rainbow valorise l’expression individuelle et n’exige aucun type de renonciation. Les policiers qui s’intéressent aux Rassemblements par exemple, malgré leur rôle antinomique, sont immédiatement acceptés comme des Rainbows. Beaucoup de communautés de la fin du XXe siècle qui se sont formées à la même époque que la Famille Rainbow, ont mis fin à leurs politiques idéalistes de « porte ouverte » après avoir connu « trop de visiteurs, trop de responsabilité ou trop de changement. »
Toutes les données historiques montrent que la Famille Rainbow, comme les Alcooliques Anonymes, avec leurs politiques d’admission idéalistement intégratrice, auraient dû échouer, il y a des années. La grâce qui les sauve tient à leur nature nomade et temporaire, qui les distingue des expériences utopiques permanentes sédentaires. Puisque les Rassemblements, comme les Réunions AA, se dissolvent et se reforment régulièrement, les problèmes sociaux à long terme ont une chance de se dissiper. Les difficultés qui se développent lors d’un Rassemblement peuvent être résolues au Rassemblement suivant, par de nouvelles conditions de campement ou de vie. La Famille est assez large, avec beaucoup de sous-groupe, pour absorber des vécus et des vues différents et toujours offrir un environnement porteur à chacun des participants.

Conclusion : Un été sans fin

« L’utopie est la société imaginaire dans laquelle s’épanouissent les désirs les plus profonds, les rêves les plus nobles, et les aspirations les plus hautes du genre humain ; une société où toutes les forces, physiques, sociales et spirituelles travaillent ensemble, en harmonie, pour permettre l’obtention de tout ce que les gens trouvent nécessaire et désirable. Dans l’utopie imaginée, les gens travaillent et vivent ensemble, proches et coopératifs, selon un ordre social qui se crée et se choisit lui-même et n’est pas imposé de l’extérieur même s’il fonctionne aussi suivant une loi plus haute, naturelle et spirituelle. » (Rosabeth Moss Kanter)

La Famille Rainbow est un mouvement utopique idéaliste avec la vision d’un monde guidé par l’Amour et la coopération, sans violence ni compétition. C’est la vision égalitaire d’un monde sans dirigeants, sans oppresseurs ni peuples opprimés. La Famille est décentralisée avec des Rassemblements et des événements dans le monde entier. Il n’y a pas d’organisation centrale qui puisse être subvertie ou détruite. C’est un mouvement et non une organisation. Sa force réside dans les individus qui font les Rassemblements. (...) Les Rassemblements européens célèbrent la diversité culturelle et se moquent des frontières.

À la recherche d’un modèle parfait
Le terme « utopie » vient du Grec. Le sens littéral est « hors de l’espace ». En réalité « l’utopie n’est pas un lieu idéal, mais le désir d’en créer un ; elles est orientée vers le Futur plutôt que vers le passé ou le présent, et sa vertu n’est pas dans ce qu’elle a déjà accompli, mais dans ce qu’elle a la volonté de tenter. » Étant donné l’actuel niveau de l’évolution sociale humaine, limité, la véritable Utopie n’est pas à l’ordre du jour. Les Rainbows cependant n’abandonneront pas ce rêve, car ils se voient comme les catalyseurs du changement. La Famille Rainbow, comme les utopistes qui l’ont précédée, a pour but de créer un modèle qui fonctionne pour une société meilleure et plus équitable. À travers un tel modèle, ils espèrent démonter la viabilité des principes coopératifs et créer un environnement où des gens de tous horizons peuvent laisser tomber le courant majoritaire et expérimenter un nouveau mode de vie rien qu’un jour ou une semaine (…). Après un quart de siècle, la Famille Rainbow travaille toujours à perfectionner et à rendre opérationnel son modèle (…). Les utopistes à travers l’histoire « croyaient tous que le meilleur moyen de stimuler le changement social était d’organiser et de construire une communauté unique idéale, un modèle qui pourrait être dupliqué à travers le pays. »
Même les sceptiques admettent le succès du modèle Rainbow. « Pour une tribu d’anarchistes Peace-and-love sans structure ni leader (leur conseil est composé de ceux qui se présentent au grand cercle), la désorganisation des Rainbows fonctionne de manière étonnante. »
Le gouvernement de Californie a considéré l’infrastructure Rainbow comme un modèle possible pour la réinstallation des habitants de San Francisco à la campagne dans le cas d’une urgence. (...) Il y a un bon dialogue entre les générations. (...) Les Rainbows ne craignent pas leurs enfants. (...) Les Rainbows cherchent des alternatives au traitement de la violence. Leur but est de soigner les gens troublés, de mettre fin à leur violence et de les aider à grandir.

Une utopie unique
Les Rainbows jouissent d’un niveau de liberté inatteignable dans une communauté stationnaire qui doit, sur une longue période faire avec voisins, propriétaires et gouvernements locaux. Par bien des aspects, il s’agit davantage d’un « groupe en douze étapes » que d’un mouvement utopique. La Famille Rainbow partage certains traits avec ce que les historiens et les sociologues identifient traditionnellement comme des communautés utopiques réussies. Elle n’a pas d’installation permanente ni de base sédentaire, pas d’actions en bourse, pas d’organisation formelle, de prophète charismatique, de hiérarchie ni de pouvoir identifiable. Elle « n’est pas sectaire et n’entretient aucun critère sélectif d’adhésion, n’exige aucun investissement matériel ni sacrifice personnel de la part des recrues, n’a pas de routines ni d’exigences de travail, elle n’encourage ni ne décourage ni n’essaie de coordonner les relations sexuelles, ni n’exige aucune conversion idéologique et n’essaie pas de contrôler la vie des enfants. Tout indique, selon les précédents historiques, que la Famille aurait dû s’effondrer peu après sa fondation au début des années 70 (…).
Traditionnellement plus la communauté est grande, plus le pouvoir de décision est centralisé. Pourtant même les plus vastes Rassemblements Rainbow, avec 30000 participants restent décentralisés et non hiérarchiques. Une telle non-organisation est généralement associée à des expériences utopiques qui ont échoué. C’est pourtant l’absence de contrôle central qui a permis à la Famille de tenir et se s’épanouir. D’autres communautés ou même des nations sont laminées par des luttes de pouvoir perpétuelles pour le contrôle d’une hiérarchie centralisée. De telles luttes intestines conduisent souvent à des fractures à l’intérieur des groupes, car ceux qui sont écartés de la base de pouvoir quittent le groupe pour créer leur propre organisation, ou essaient de miner l’organe de pouvoir. De la même façon, les dirigeants ont recours au favoritisme, récompensant et renforçant ceux qui les suivent par un politique de patronage, afin que leur organisation politique continue de prospérer. Les luttes de pouvoir internes ont contribué à l’échec de beaucoup de communautés utopiques célèbres du XIXe siècles. Le conseil consensuel de la Famille Rainbow par comparaison n’écarte pas les dissidents. Puisque chacun est supposément inclus dans toues les décisions, la révolution devient obsolète. Avec personne AU pouvoir, personne n’est HORS du pouvoir. (…)
Par opposition avec nombre de communautés, les Rainbows exigent peu financièrement de leurs nouvelles recrues. Les contributions sont volontaires. Les Rainbows riches sont libres de garder leur richesse.
De même, alors que d’autres communautés exigent de leurs membres qu’ils renoncent à des relations dangereuses pour la cohésion du groupe (…), les Rainbows s’y refusent car ils voient la tâche de former un lien de cohésion entre les différents peuples comme l’un des buts majeurs du groupe. C’est pourquoi la Famille se compose de végétariens et de chasseurs, de pacifiste et de porteurs d’armes, d’anarchistes, de socialistes et de républicains, de chrétiens, de païens et d’athées, de flics et de voleurs, tous célébrant la vie ensemble. Bien qu’ils partagent des valeurs comme celles d’un large engagement envers la non-violence et la non-hiérarchie aux Rassemblements, ils choisissent parfois de ne pas, ou ne peuvent pas, pratiquer ces valeurs en tant qu’individus hors des Rassemblements. (…)
Par opposition, aux communautés utopiques qui restent traditionnellement petites, la Famille a réussi à assimiler de larges groupes de nouveaux arrivants à leurs Rassemblements. Il n’est pas rare lors des Rassemblements proches de larges zones urbaines d’attirer une population dont la moitié ou plus se compose de nouveaux arrivants ou de « touristes ». Malgré cela, les Rassemblements ont su garder leur cohésion et leur identité. C’est parce que la doctrine Rainbow est assez simple et aisée à accepter. Des volontaires à la porte d’entrée par exemple enseignent aux nouveaux arrivants l’environnement non commercial, non violent et sans alcool (sauf le camp « A ») du Rassemblement. (…) Ainsi l’idéologie Rainbow peut être contagieuse comme un virus. (…) Partout où la Famille va, les autochtones partagent toujours des affinités avec l’un des sous-groupes Rainbow. C’est pourquoi les texans chrétiens par exemple, persuadés par la rumeur que tous les membres étaient païens ou athées, ont été soulagés de découvrir les baptistes au sein de la Famille. De la même façon, des habitants de la campagne furent soulagés de trouver des fermiers parmi les Rainbows, etc.…
Le mauvais côté de cette politique d’intégration est la présence du camp « A » souvent violent aux Rassemblements Rainbow américains.
Traditionnellement ; les communautés utopiques ont toujours exclu de telles personnes. (…) Les communautés utopiques se sont aussi effondrées parce qu’elles étaient soit trop prospères économiquement soit, par antithèse, trop pauvres. Celles qui ont trop bien réussi ont eu tendance historiquement à abandonner les idéaux communautaires au profit de la distribution d’actions communautaires par la privatisation (…). A mesure que les actions prenaient de la valeur, les querelles quant à la manière de les reparti ou de les investir sont devenues plus intenses.(…) La Famille Rainbow par comparaison n’a pas d’actions. L’absence d’organisation centralisée de la Famille assure qu’elle n’en aura jamais. C’est pourquoi elle ne risque pas de telles querelles. Tandis qu’individuellement les Rainbow peuvent réussir économiquement, et alors être généreux dans leurs donations au « chapeau magique », leurs actions ne sont pas communautaires.
L’argent du « chapeau magique », ce qui se rapproche le plus d’une richesse commune est dépensé en biens consommables, généralement de la nourriture, avant d’atteindre un montant trop conséquent (…). Des plans de trop grande envergure pour le système hydraulique auraient pu menacer la cohésion du groupe, mais les systèmes limités achetés par le « chapeau magique » dans le passé ont disparu après les Rassemblements. (…) Jusqu’à présent la Famille dans son ensemble n’a pas accumulé de ressources.
Les communautés ont aussi souvent échoué parce qu’elles ne pouvaient pas sortir de la pauvreté, et fournir à leurs membres des conditions matérielles adéquates. La Famille Rainbow de par sa nature nomade ne rencontre pas de tels problèmes. La Famille n’est pas chargée de fournir à ses membres un abri et des soins annuels et son incapacité à le faire n’est pas perçue comme un échec (…). Dans le cas rare où un Rassemblement entier a eu « faim », la situation a conduit à la fin du Rassemblement, la Famille se regroupant ailleurs dans de meilleures circonstances.

Nomade contre permanents
« The Farm » est une communauté utopique sédentaire. Bien qu’elle prospère toujours aujourd’hui, elle a abandonné son économie communautaire en 1983 pour s’être endettée de un million de dollars lors de la crise de l’agriculture de la fin des années 70, et ce malgré beaucoup de travail et de récotes excellentes. « La Ferme » était en péril, ironiquement, non pas parce que son collectivisme expérimenté avait échoué, mais à cause d’un échec au sein de la plus grande économie capitaliste. (…) Aujourd’hui la privatisation de « la ferme » a créé un schisme entre preneurs et travailleurs même s’ils travaillent côte à côte dans un environnement relativement démocratique. (...)
La Famille par comparaison a remarquablement peu changé à travers le temps. Elle a évolué culturellement, assimilant de nouvelles formes de culture, de musique, d’habillement et de nourriture. Idéologiquement, cependant, la Famille a gardé ses engagements originaux de maintenir une société modèle non hiérarchique, non commerciale, égalitaire et non violente. Parce qu’elle est sédentaire, « la Ferme » n’a pas d’autre choix que de changer. Les Rainbows, par comparaison, n’ont pas de terrain à protéger. Puisqu’ils ne peuvent pas perdre d’actions qu’ils n’ont pas, ils ne subissent pas la même pression que « la Ferme ». Ils ont le luxe d’être plus insouciants face à l’adversité.(...)
Tandis que les Rainbows ont nourri, hébergé et soigné des sans-abris pour une semaine ici et là, « la Ferme » s’est fait connaître à travers le monde par son personnel médical, ses services d’ambulance, ses écoles , ses maisons, etc. Mais pour financer de tels programmes « la Ferme » a dû entrer en relation commerciale avec le monde exterieur, augmentant ainsi « sa vulnérabilité aux courants macro-économiques ». Ses efforts industriels ont conduit « la ferme » à développer un vaste système bureaucratique rempli d’incompétence et de mauvaise gestion,qui a conduit à la banqueroute. A l’abri des cycles commerciaux, les Rainbows ont continué à fournir les services de base de manière sporadique aux populations dans le besoin.

La Famille Rainbow ne demande rien d’autre aux nouveaux membres qu’un esprit ouvert. Sans investissement, les Rainbows peuvent librement aller et venir. Si beaucoup de Rainbows sont associés à la Famille depuis le départ, il n’y a pas de mécanisme d’engagement qui attache les membres à la Famille. Tandis que les utopies qui fonctionnent exigent souvent de leurs membres qu’ils abandonnent leurs privilèges individuels comme prix d’adhésion, les Rainbows n’exigent rien de tel. Dit crûment, la Famille Rainbow est une sorte de voie à bon marché pour l’affiliation tribale ou l’identité communautaire, avec tous les avantages at aucune des obligations. (...)
Les Rainbows représentent le front anarchiste de ceux qui veulent sauver le monde. Libres de contraintes bureaucratiques et sans actions à perdre, ils peuvent emporter leur communauté modèle n’importe où sur le globe, créant souvent des villes spontanées dans beaucoup de nations au même moment. A l’heure actuelle, il y a toujours un Rassemblement Rainbow quelque part. Puisqu’ils ne sont pas genés par des admissions restrivtives ou des exigences d’investissement ou d’engagement, des centaines de milliers de personnes ont à un moment ou à un autre, vécu dans l’utopie de la Famille Rainbow. Après une telle expérience, beaucoup continuent de s’engager dans des projets menés par « la Ferme » ou Greenpeace, etc. D’autres trouvent le bouddhisme ou le christianisme ou reconstruisent la spiritualité amérindienne .(...) La Famille est une sorte de Seuil vers une nouvelle Vie, une vie qu’on goute d’abors à un Rassemblement. (...)
La Famille, empechée par rien, a la liberté de conduire des expériences radicales avec l’organisation sociale, la prise de décision et la guérison des personnes violentes ou droguées.

Cohérence et changement
Les Rainbows, tout en restant fidèles à leurs idéaux se rapprochent du courant majoritaire, non pas parce qu’ils s’adaptent à Babylone mais parce que Babylone s’adapte, même lentement aux valeurs Rainbow. Les pratiques Rainbow comme le recyclage, le végétarisme, les soins holistiques, et les cultes indiens, considérés comme farfelus lors des premiers Rassemblements ont été depuis adoptés par bien des pans de la société commune. (...)
Même les développements immobiliers péri-urbains, autrefois bastions d’aliénation, commencent à ressembler à des utopies communautaires (...). En plus de choisir et de promouvoir la vie commuanutaire, la Famille défend aussi les droits et la liberté individuels, même quand ces droits entrent en conflit avec la responsabilité collective. Alors que d’autres utopies ont sacrifié les soucis individuels aux biens collectifs, la Famille Rainbow cherche à équilibrer les besoins individuels et collectifs. C’est pourquoi chacune des voix au Conseil pèse autant que le total de toutes les autres. Que les individus puissent bloquer le consensus assure au droit individuel de ne jamais être noyé par une majorité. En échange, on attend des individus qu’ils aient un respect réciproque pour le groupe et n’abusent pas de ce pouvoir de blocage. Cette politique du « Consensus moins un » limite cependant le pouvoir individuel dans l’intérêt d’une plus grande cohésion du groupe si quelqu’un persiste à bloquer le consensus. (...) Une telle tolérance a permis à la Famille de rester politiquement et spirituellement diverse. (...) On ne demande qu’un respect pour la diversité et une ouverture aux opinions différentes. Les conversations aux Rassemblements sont ainsi éclairants car les membres font tout pour trouver, et trouvent, un terrain d’entente. (...)
L’économie Rainbow est communautaire, encourageant le partage et décourageant le profit. (...) La différence entre cette économie et une économie hiérarchique socialiste est que le Rainbow est volontaire. (...) Cela prouve l’engagement de la Famille envers, à la fois, la vie communautaire et la liberté individuelle.

Un été sans fin
La Famille Rainbow est un éternel phénix, renaissant sans cesse de ses cendres. Là où un Rassemblement prend fin, l’autre commence. (...) Les Rainbows, sur la route en direction du soleil vivent, dans une véritable utopie, un été sans fin. (...)
L’exemple Rainbow menace les gouvernements. Il montre que les gens peuvent vivre sans dirigeants, sans céder leur voix à des représentants. Il prouve que les gens peuvent être responsables pour eux-mêmes et maintenir la paix sans coercition ni force, sans police. C’est le modèle d’une véritable démocratie, d’« gouvernement par le peuple ». La Famille Rainbow est l’antithèse d’un état policier. Elle défie toutes les entités qui gouvernent par la peur plutôt que par la coopération. Pour elles, la Famille offre la « menace d’un bon exemple » que d’autres pourraient suivre. (...) Les Rainbows sont des rêveurs qui n’espèrent rien moins qu’une utopie.